>>7290413Samain :
Retraite :
Remonte, lent rameur, le cours de tes années,
Et, les yeux clos, suspends ta rame par endroits...
La brise qui s’élève aux jardins d’autrefois
Courbe suavement les âmes inclinées.
Cherche en ton coeur, loin des grand’routes calcinées,
L’enclos plein d’herbe épaisse et verte où sont les croix.
Écoutes-y l’air triste où reviennent les voix,
Et baise au coeur tes petites mortes fanées.
Songe à tels yeux poignants dans la fuite du jour.
Les heures, que toucha l’ongle d’or de l’amour,
À jamais sous l’archet chantent mélodieuses.
Lapidaire secret des soirs quotidiens,
Taille tes souvenirs en pierres précieuses,
Et fais-en pour tes doigts des bijoux anciens.
Péguy :
L'Aveugle :
D’innombrables rayons de toutes les lumières
Ont baigné vingt mille ans ces périssables yeux,
D’innombrables regards vers la terre et les cieux
Sont montés vingt mille ans de toutes les chaumières.
D’innombrables reflets des ténèbres premières
Ont roulé vingt mille ans leurs flots silencieux ;
D’innombrables regrets vers le monde et les dieux
Ont pleuré vingt mille ans sous l’arceau des paupières.
Dans le double parvis des deux faces de l’être,
Que d’autres soient Césars de tout ce qui se fait ;
Que témoins du paraître et greffiers du connaître,
Que d’autres soient savants de tout ce qui se sait :
L’aveugle vagabond sera toujours le maître,
Sous tout ce qui se dit, de tout ce qui se tait.
Péguy and Samain belong to the list of great french poets. No question there.